Le Rôle du sous-titrage dans la promotion et la valorisation des langues locales au Cameroun | July 2015 | Translation Journal

July 2015 Issue

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Le Rôle du sous-titrage dans la promotion et la valorisation des langues locales au Cameroun

Le Rôle du sous-titrage dans la promotion

Résumé

Le présent travail de recherche a pour objectif principal d’évaluer le potentiel didactique du sous-titrage dans le cadre de la revalorisation et de la promotion des langues identitaires camerounaises. Notre travail se fonde sur l’hypothèse selon laquelle une plus importante diffusion des programmes sous-titrés sur les chaînes de télévision nationales constituerait une voie de recours dans la résolution du problème d’extinction des langues identitaires du pays. Nous avons mené une expérience de trois semaines sur 17 sujets. Sur la base de l’analyse statistique des notes obtenues par ces sujets lors du test pré-visionnage du film et du test post-visionnage du film, nous avons confirmé l’hypothèse de départ. Les résultats obtenus démontrent qu’une exposition, même de courte durée, à une langue étrangère par le biais du sous-titrage favorise l’acquisition du vocabulaire en cette langue. Le sous-titrage constitue donc un outil ludo-éducatif puissant que les pouvoirs publics gagneraient à exploiter afin de revaloriser et promouvoir les langues identitaires au Cameroun.

0. Introduction

La question de la revalorisation et de la promotion des langues locales apparaît depuis quelques années déjà comme cruciale et problématique dans le paysage linguistique camerounais, du fait du danger d’extinction qui les guette. C’est ainsi que divers moyens sont mis en œuvre en vue de la résolution de ce problème. Pourtant, le meilleur créneau pour une telle promotion, nous le savons, n’est autre que l’enseignement des langues (locales) dans les différents systèmes éducatifs, c’est-à-dire formels, non-formels et extrascolaires. L’Afrique doit rentrer dans la mondialisation sans s’être dépouillée de ce qui lui est vraiment propre, sa culture et sa langue. Ces mots témoignent de l’importance de la revalorisation des langues locales camerounaises à l’ère de la mondialisation, grand rendez-vous du donner et du recevoir.

C’est dans cette optique que des efforts considérables sont déployés en vue de l’intégration des langues autochtones dans le cadre de l’enseignement formel (les programmes scolaires). C’est le cas, par exemple, de l’Association Nationale des Comités de Langues Camerounaises (ANACLAC) qui soutient des actions d’alphabétisation des adultes dans leurs langues maternelles, ou encore du Programme de Recherche Opérationnelle Pour l’Enseignement des Langues Camerounaises (PROPELCA) s’intéressant pour sa part à l’apprentissage de la lecture par les enfants. L’école a certes un rôle très important à jouer dans la préservation de la diversité linguistique, cependant, il existe divers niveaux et modes d’apprentissage: «le non-formel et l’extrascolaire». D’où la nécessité de la nouvelle voie de recours offerte par le sous-titrage.

Le Cameroun est un pays qui brille par sa diversité. Diversité culturelle, diversité linguistique. En effet, il existe au Cameroun environ, en plus des deux langues officielles que sont le français et l’anglais, 279 langues locales (Grimes, 2000). Malheureusement, cet immense patrimoine linguistique est aujourd’hui menacé. Et pour cause, nombre de ces langues locales sont en danger d’extinction car les langues officielles ont pris le pas dans tous les domaines de la vie (Bitjaa Kody, 2001). Avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), tous les secteurs de la vie ont subi des modifications, dont la science en général et la traductologie en particulier. Afin de répondre et de s’adapter aux besoins de l’ère du numérique, un nouveau mode de traduction a vu le jour, à savoir, la traduction audiovisuelle (TAV). Il s’agit d’un terme générique qui englobe le sous-titrage, le doublage et la voix off, entre autres. C’est sur ce premier procédé de TAV que nous focaliserons notre attention. En effet, le sous-titrage possède divers avantages, notamment son coût peu élevé et son caractère didactique (Ivarsson et Carroll, 1998).

1. Problématique

Au Cameroun, il se pose un réel problème linguistique: celui de la revalorisation des langues locales. De nombreux efforts sont déjà déployés par les pouvoirs publics dans cette optique. Au rang des changements majeurs, figurent l’harmonisation du système d’écriture des langues camerounaises en 1979, la révision de la Constitution de 1996 qui modifie la politique linguistique en admettant l’intégration des langues autochtones dans le système éducatif. Toutefois, tous ces efforts semblent encore insuffisants. Au regard du rôle prépondérant que la traduction a toujours joué dans le développement des langues au cours de l’histoire, nous nous posons la question de savoir quel serait le rôle de la TAV en général, et du sous-titrage, en particulier, dans la résolution du problème de revalorisation et de promotion des langues locales au Cameroun? Dans quelle mesure le recours au sous-titrage peut s’avérer bénéfique dans l’apprentissage des langues locales?

2. Objectifs

L’objectif de ce travail est donc (i) d’analyser le rôle que pourrait jouer le sous-titrage dans la résolution du problème de la revalorisation et de la promotion des langues locales au Cameroun; (ii) de démontrer dans quelle mesure le recours au sous-titrage peut s’avérer bénéfique dans l’apprentissage des langues locales

3. Revue de la Littérature

Nombre de chercheurs et professionnels de la TAV ont consacré plusieurs écrits à ce type de traduction en plein essor. De nos jours, la télévision (TV), le cinéma et Internet, entre autres médias, occupent une place de choix dans la vie de chacun. En effet, chaque jour, nous sommes devant un écran au moins une fois. Grands ou petits, ces écrans diffusent des nouvelles, reflètent des cultures, manifestent des comportements, nous ouvrent à d’autres langues, à d’autres valeurs. Dans un monde qui se veut un village planétaire, ces moyens de communication sont aujourd’hui au centre des échanges d’informations, et contribuent à relever l’importance de la TAV. Dans le présent chapitre, nous passons en revue les différents travaux qui traitent de la TAV en général, et du sous-titrage en particulier (types, formes et normes), d’une part, et du problème linguistique au Cameroun, d’autre part.

3.1 La traduction audiovisuelle

La traduction se définit comme étant le passage d’un message d’une langue A à une langue B, dans le but de communiquer. La traduction, nous le savons, est à la fois une science et une pratique transdisciplinaires. C’est ainsi qu’avec l’avènement des TIC, elle s’est associée à l’informatique et à la télévision pour former ce qu’on désigne par le terme traduction audiovisuelle. Nombre de chercheurs ont, jusqu’ici, apporté des esquisses de définition à ce concept nouveau et quasiment inexploré. Il s’agit d’une discipline récente, apparue dans les années 1990 (Gambier, 2003), qui consiste en une transposition linguistique d’un message sur support audiovisuel d’une langue à une autre ou d’un niveau de langue à un autre. La TAV est généralement subdivisée en trois principaux modes: le sous-titrage, le doublage et la voix-off. Dans le cadre de ce travail, nous nous limiterons à présenter dans les détails dans le premier mode. Selon De Linde et Kay (1999), il existe deux types de sous-titrage: le sous-titrage intralinguistique et le sous-titrage interlinguistique. Le premier type est essentiellement destiné aux sourds et malentendants, tandis que le second s’applique aux films et programmes tournés dans une langue étrangère.

3.2 Le sous-titrage et son importance

Le sous-titrage renvoie à la transcription des dialogues d’un film ou d’un programme de TV de manière à avoir des textes présentés simultanément à l’écran Gottlieb, 1998). Díaz Cintas et al. (2006), Díaz Cintas et Remael (2007) définissent le sous-titrage comme une pratique linguistique qui consiste à produire, généralement au bas de l’écran, un texte écrit qui a pour but de rendre par écrit tout ce qui est dit dans le produit audiovisuel (AV). La TAV connaît depuis quelques années un essor notable, essor certainement associé à celui des TIC. La présente section s’attèlera à présenter les divers avantages du sous-titrage, notamment ses valeurs communicative et didactique.

3.2.1 Valeur communicative du sous-titrage

La traduction est cette discipline qui se consacre à réparer, dans la mesure du possible, le désordre causé dans la tour de Babel. Elle se résume en la transmission du message d’un émetteur donné à un ou plusieurs récepteurs (Seleskovitch et Lederer, 2001). De même, le travail du sous-titreur pourrait se résumer à cette pratique, à la seule différence qu’il s’agit d’une médiation dans le cadre de média audiovisuels. En effet, les sous-titres permettent à des individus qui connaissent peu ou pas la langue du dialogue original de mieux appréhender le message d’un programme ou d’un film. En d’autres termes, le sous-titrage permet de rendre un programme initialement hermétique plus accessible. Par ailleurs, du fait de sa dimension multisémiotique (interaction entre dialogue, gestes, images, etc.), le sous-titrage représente un moyen de transfert de connaissances et de cultures. Dans la mesure où les sous-titres ne modifient pas la bande son, ils préservent mieux l’authenticité du rapport langue/culture. Le téléspectateur francophone, qui n’a aucune notion d’anglais, par exemple, peut, grâce au sous-titrage, regarder un film tourné en anglais. Il est en contact avec la langue et la culture anglaises, mais comprend le message du film. Le sous-titrage devient ainsi un exemple frappant de médiation interlinguistique et interculturelle et un élément salutaire dans le processus de mondialisation.

3.2.2 Fonction didactique du sous-titrage

Caimi (2006) démontre le potentiel du sous-titrage intralingual uniquement, en vantant les mérites de ce type, car il favorise le contact avec la langue et exprime de manière plus simplifiée des énoncés plus ou moins complexes. L’enseignement d’une seconde langue se trouve facilité grâce à l’utilisation du sous-titrage intralingual (Caimi, 2006; Diaz Cintas et Fernandez, 2008). Les apprenants, grâce au sous-titrage intralingual, réussissent à surmonter la difficulté des accents et de l’écoute des dialogues des acteurs dans une langue qui leur est étrangère. De plus, regarder régulièrement des programmes télévisés sous-titrés permet d’agrandir son vocabulaire (Caimi, 2006).

D’autres auteurs relèvent les avantages du sous-titrage interlingual. C’est le cas de Ivarsson et Carroll (1998) qui affirment que dans plusieurs pays, les sous-titres sont utilisés pour revaloriser et enseigner les langues minoritaires, promouvoir les langues maternelles et enseigner les langues officielles et étrangères d’un pays, ce qui est révélatrice du fort potentiel didactique retrouvé dans le sous-titrage. Dans un contexte multilingue comme celui du Cameroun, qui compte 279 langues nationales (Grimes, 2000), la diffusion de programmes télévisés sous-titrés pourrait s’avérer salutaire. Ayonghe et al. (2009), s’inscrit elle aussi dans la même lancée que les auteurs précédents en affirmant que les sous-titres aident à améliorer les aptitudes linguistiques (écoute, compréhension et enrichissement du vocabulaire) des étudiants de l’Anglais comme seconde langue.

De nos jours, les média audiovisuels jouent un rôle linguistique prépondérant, comme ce fut le cas de l’école, des journaux et des livres dans le passé (Gambier, 2004). Regarder des programmes sous-titrés est pareil à lire la télévision (90 minutes de film sous-titré chaque jour équivalent à 200 pages de roman chaque mois). Un autre paramètre important qu’il est nécessaire de relever est la place de choix occupée par la télévision dans la vie quotidienne à l’heure actuelle. En Europe, par exemple, un téléspectateur regarde la télévision trois heures par jour, en moyenne (Gambier, 2006). Grâce à un usage judicieux de ce temps, le téléspectateur pourra apprendre d’autres langues par immersion. Ainsi, le célèbre «je corrige les mœurs en riant» sera transformé en «j’apprends de nouveaux mots dans une langue étrangère en me divertissant».

Toujours pour relever le rôle primordial que joue le sous-titrage dans l’acquisition passive du langage, Danan (2004) soutient que le sous-titrage constitue un puissant moyen pédagogique pouvant améliorer les aptitudes en compréhension orale des apprenants en langue seconde. D’une part, le sous-titrage intralinguistique, soutient-elle, facilite l’apprentissage grâce au métalangage. D’autre part, les sous-titres interlinguistiques aident à augmenter les capacités de compréhension. Danan (2004) voit en les multimédias une opportunité d’envisager de nouvelles stratégies d’acquisition.

Van de Poel et d’Ydewalle (1999) soutiennent que l’acquisition du langage grâce au sous-titrage interlinguistique est très souvent fortuite. Cet état des choses s’explique car il est possible qu’un grand nombre de téléspectateurs, surtout ceux des pays où le sous-titrage constitue la norme, apprennent la langue entendue dans les films sous-titrés sans effort conscient. d’Ydewalle et Pavakanun (1997) abondent dans le même sens en affirmant qu’en Belgique, nombreux sont les enfants qui sont à mesure de s’exprimer et de comprendre quelques mots d’anglais avant même de commencer à apprendre la langue à l’école, certainement grâce à leur exposition fréquente aux programmes en anglais sous-titrés diffusés sur leurs petits écrans. Les adultes, quant à eux, considèrent le sous-titrage comme une main tendue qui les aide à apprendre ou à asseoir leur connaissance d’une langue étrangère. Un tel niveau a pu être atteint dans les pays pro-sous-titrage. Un exemple qui confirme cette hypothèse est apporté par Danan (2004).

Au vu de tout ce qui précède, il est judicieux d’affirmer sans risque de se tromper que le sous-titrage constitue un instrument pédagogique d’envergure dont l’importance est avérée.

4. Méthodologie

4.1 Presentation du film

Mâh Saah-Sah est un film camerounais du réalisateur Daniel Kamwa sorti en 2008. Sa durée est estimée à 91 mn, soit 1h 31 mn. Il a été produit par Coconut Dream et DK7-Communications. Le film est tourné en bamoun et sous-titré en plusieurs langues européennes: anglais, français, allemand, italien, portugais, espagnol et russe. Il en existe deux versions: la version sous-titrée et la version doublée (en français). Pour ce travail, nous nous sommes servis de la version sous-titrée en français du film. L’action dans le film se déroule au Cameroun, plus précisément en pays bamoun. Nchare est âgé de 16 ans à la mort de son père. Il est recueilli par son oncle Achirou et débarque alors dans un nouveau village. Dès son arrivée, il croise le regard d’une jeune adolescente de 14 ans nommée Mapon. C’est le déclic de l’amour réciproque. Devenu adulte et sculpteur sur bronze, formé par son oncle, Nchare veut mériter d’être le fiancé officiel de Mapon, mais une rumeur plane sur le doute de sa circoncision. Pour ce faire, il doit rivaliser avec les autres prétendants au cours du rituel périodique de la danse de séduction, sous les yeux témoins de tous les villageois, et en présence de «Nji-Mâh’Nkam», le grand dignitaire du village.

Le jeune Nchare réussit à gagner officiellement le cœur de Mapon et devient son fiancé. Peu de temps après la célébration de leurs fiançailles dans le respect des traditions locales, Nchoutpouen, la mère de Mapon accouche de son quatrième enfant à l’église, pendant la messe du dimanche. Une cérémonie est, par la suite, organisée afin de présenter l’enfant nouveau-né au village. Mais voilà que cet enfant tombe très vite malade, entraînant Moumpain, le père, à accepter le soutien financier d’un généreux homme d’affaires du nom de Moluh. Ce dernier ne tarde pas à jeter son dévolu sur Mapon pour en faire sa quatrième épouse, et ce, malgré le refus de la jeune fille. Il devient ainsi un inattendu rival pour Nchare. S’en suivent alors une série de machinations visant à mettre le jeune homme hors d’état de nuire et lui arracher sa fiancée. Celui-ci ne se laisse pas faire pour autant. Il se bat bec et ongle pour préserver son bien. Malheureusement, le riche Moluh use de subterfuges et de son influence pour faire incarcérer Nchare. Cependant, par un heureux concours de circonstances, la lumière est faite sur l’affaire et le jeune est libéré. Il se précipite donc à la mairie où Mapon est sur le point de signer l’acte de mariage avec Moluh, l’arrache des griffes de celui-ci et l’emmène avec lui. Justice est faite et vive l’amour!

Afin de vérifier notre hypothèse, nous avons choisi de mener une étude expérimentale. Nous avons donc dû constituer un échantillon de la population qui a été sélectionné en fonction de divers critères qui seront présentés dans la suite de ce chapitre.

4.2 La langue bamoun

Notre choix s’est porté sur la langue bamoun, langue qui nous est étrangère mais qui s’est presque imposée à nous car c’est le seul corpus, mettant en scène des acteurs locuteurs natifs du bamoun et alliant à la fois culture et humour, mis à notre disposition. Avec une superficie de 7 700 km² environ et 820 000 habitants, le pays bamoun (département du Noun) est un vaste territoire situé dans la région de l'Ouest Cameroun. L'administration camerounaise après l'indépendance de 1960, donna le nom du Noun à l'ensemble du royaume bamoun, celui-ci devint donc un département territorial dont le chef-lieu est Foumban, la ville la plus importante du territoire. Ce vaste département forme une unité géographique, communautaire, linguistique et culturelle.

Le peuple bamoun est présent sur un seul et unique territoire, parlant la même langue et ayant les mêmes coutumes et est l’un des peuples d'Afrique subsaharienne à avoir développé une écriture. Cette écriture fut inventée par le roi Njoya au début du XXe siècle. En 1907, des missionnaires européens découvrent que le jeune roi Njoya, roi des Bamouns, a créé une écriture. L’écriture royale (ou écriture bamoun), qui comptait au départ plus de 500 signes, connaîtra plusieurs évolutions jusqu'en 1918. Le roi Njoya bâtit une école afin d'encourager l'usage de ce système d'écriture. La simplification, et notamment, la réduction du nombre de signes à 80 caractères, assura une meilleure diffusion de l’écriture et amena l'augmentation des textes rédigés avec l’écriture royale, qui était enseignée dans les écoles. Néanmoins, l'arrivée des Français sonna la fin de la monarchie et de la langue bamoun qui fut remplacée par la langue française. La langue bamoun est parlée dans la région de l’Ouest Cameroun, essentiellement dans le département du Noun, à Foumban; à l’extrême nord du département de la Mifi; et au sud-est du département des Bamboutos (Lewis, 2009). Le bamoun peut également être appelé bamoum, bamun, bamum ou shupamem.

4.3 Nombre de sujets

Le nombre de sujets ayant effectivement pris part à l’étude est de 17 dont les âges varient de 14 à 30 ans. Ils sont en grande majorité titulaires, au moins, de la licence. Ce travail n’a pris en compte que quelques facteurs: le niveau d’éducation, l’âge et le background linguistique. Il importe tout de même de noter que le facteur disponibilité a été crucial dans la constitution de cet échantillon. Il est vrai que la taille de notre échantillon est relativement réduite. Il importe cependant de souligner que les méthodes d’analyse des données dont nous ferons usage sont destinées à valider les résultats obtenus, malgré l’effectif réduit de notre échantillon.

Notre choix s’est porté sur cette frange de la population parce qu’elle est la principale en cause dans le problème d’extinction des langues locales, car elle les délaisse au profit des langues européennes ou des langues véhiculaires, comme il a été démontré par Bitjaa Kody (2001), dans une enquête quantitative sur la dynamique des langues à Yaoundé. Selon les résultats de cette enquête, les jeunes de 10 à 17 ans interrogés dans les mêmes ménages déclarent qu'ils utilisent le français à 70% dans les mêmes situations de communication familiale contre 25% de temps d'utilisation des langues familiales potentielles. D'autre part, 32% des jeunes de 10 à 17 ans interrogés dans la ville de Yaoundé ne parlent aucune langue camerounaise et ont le français comme seule et unique langue de communication. Et le pire est que, comme l’affirme Bitjaa Kody (2001), «cette population non locutrice des langues camerounaises croîtra de manière exponentielle à la prochaine génération, car les jeunes qui ne parlent pas les langues locales actuellement ne pourront pas les transmettre à leur progéniture». Ainsi, cette frange de la population représente la solution à ce problème car les jeunes d’aujourd’hui sont les adultes de demain. Réveiller cet intérêt chez eux revient à garantir la pérennité desdites langues.

Plusieurs auteurs ont relevé les différences dans le processus d’acquisition du langage entre les enfants et les adultes. Ils s’accordent tous sur un fait: les enfants réussissent, plus aisément que les adultes, à apprendre une langue par le contact avec celle-ci même dans un cadre informel (d’Ydewalle, 2002). Notre travail a pour objectif de démontrer que l’acquisition du vocabulaire au moyen de programmes en langues locales sous-titrés en français est effective aussi bien chez les enfants que chez les adultes.

Le plus jeune sujet est âgé de 14 ans et le plus âgé, de 30 ans. L’âge moyen de l’échantillon est de 23 ans. En ce qui concerne le sexe des sujets, nous avons travaillé avec cinq (5) sujets de sexe masculin et douze (12) du sexe opposé, soit 29,4% et 70,6% respectivement. Les niveaux d’éducation varient du First School Living Certificate (FSLC) au Master.

4.4 Situation linguistique des sujets

Etant donné que le présent travail est concerné par le sous-titrage standard et interlingual, c’est-à-dire le sous-titrage bamoun-français, nous avons constitué un échantillon essentiellement francophone. Il convient à ce niveau de noter que le terme «francophone» revêt au Cameroun une connotation ethnique (Simo Bobda, 2001; Ayonghe, 2009). Ainsi, le terme «francophone» désigne tout individu issu d’une tribu des huit provinces que constituait le Cameroun francophone. Il ne s’agira point ici des considérations ethniques. Dans le cas présent, il s’agira plutôt des personnes (masculines ou féminines) qui ont le français comme première langue officielle, soit en raison du système éducatif qu’ils ont suivi, soit parce qu’originaires de l’une des huit régions francophones du pays. Il importe de préciser que les sujets de cette étude sont issus de diverses régions du pays: le Centre (11 sujets soit 64,7%), l’Ouest (5 sujets soit 29,4%), et le Nord-ouest (1 sujet soit 5,9%).

De plus, la situation linguistique ne se limite pas uniquement aux deux principaux groupes linguistiques du pays, notamment les francophones et les anglophones. Nous nous intéressons également aux langues autochtones. Dans ce cas précis, nous parlons de l’acquisition d’une langue étrangère. Il aurait donc été mal approprié d’inclure dans notre échantillon des locuteurs, natifs ou non, de la langue bamoun. Ainsi, en plus d’être francophones, les sujets sont des non-locuteurs natifs du bamoun. Ce choix s’est opéré afin que nos résultats ne soient pas biaisés. Nous ne pouvions pas associer des sujets ayant déjà une certaine connaissance de la langue objet de notre étude à ceux qui n’ont aucune maîtrise de celle-ci.

4.5. Collecte des données

Tous les sujets ont été soumis à un pré-test dans l’optique de mesurer leur niveau de connaissance de la langue avant l’introduction du film sous-titré. Les notes obtenues à l’issue de ce pré-test nous serviront lors de l’analyse des données. N’étant pas locuteur natif du bamoun, il nous apparaissait quasiment impossible d’évaluer la connaissance de la langue ou même d’élaborer un test. Nous avons donc eu recours à l’assistance d’un informateur, en la personne de Njifon Josué, étudiant titulaire d’une licence en lettres bilingues et locuteur natif du bamoun, qui a démontré une parfaite maîtrise de la langue. Nous avons rencontré notre informateur avec une liste de mots présents dans le film que nous allions faire visionner à nos sujets. Nous avons ensuite visionné le dit film avec notre informateur. Ce dernier nous a aidé à capturer avec exactitude et précision les mots tels que prononcés par les acteurs. Nous les avons ensuite transcrits. Ce n’est qu’au terme de ce travail préliminaire que le test a été confectionné. Il importe à ce niveau de préciser que l’épreuve qui nous a servi de pré-test a subi quelques modifications lors du post-test. Nous avons conservé les mêmes mots, mais introduit un exercice de traduction de ces mots en bamoun. Cette manipulation est due, d’une part, au fait que nous souhaitions inclure la variante traduction car nous sommes dans une école de traduction et cette acquisition de compétences linguistiques en bamoun pourrait être évaluée lors d’exercices de traduction en langues africaines. D’autre part, nous ne voulions pas de réponses automatisées ou choisies au hasard au terme de la période de contact linguistique.

La deuxième étape de notre expérience est l’introduction du film. Nous avons réparti le film en épisodes de quinze (15) minutes. Le film étant d’une durée totale d’une heure et trente minutes, nous avons obtenu six épisodes de quinze minutes chacun. Par ailleurs, nous le savons, l’acquisition du langage est un processus passif qui nécessite beaucoup de temps. La durée du contact audiovisuel avec la langue bamoun est de trois semaines, nous donnant ainsi le temps de collecte et d’analyse des données dans les limites imparties. Cet espace temps peut sembler très court. Toutefois l’acquisition du vocabulaire est la première étape de l’acquisition d’une langue étrangère. En trois semaines de contact quotidien avec la langue, il est possible d’en avoir appris une certaine quantité. Chacun des 17 sujets de notre étude a donc visionné 15 minutes du film chaque jour pendant trois semaines. Ils auront visionné le film en entier à trois reprises.

Il était indispensable que chacun des sujets puisse regarder le film en lisant les sous-titres. Nous leur avons précisé quel usage en faire. Au terme de la période de trois semaines, nous avons soumis nos sujets à un second test de vocabulaire, le même qui leur avait été soumis au début de l’expérience, mais cette fois, accompagné d’un questionnaire contenant des questions au sujet des difficultés qu’ils ont rencontrées lors du visionnage du film. Nous devons également préciser que chaque test de langue était subdivisé en deux sections: la première se présentant sous forme de questionnaire sur les informations personnelles du sujet et la deuxième, constituée du test proprement dit. Les données ainsi recueillies, nous allons présenter la méthode d’analyse des données dont nous avons fait usage.

4.6. Analyse des données

En raison de la nature expérimentale de notre travail, nous avons opté pour une analyse statistique des données, dans l’optique d’établir des relations mathématiques entre les variables (l’amélioration des notes des sujets, preuve scientifique de l’acquisition du vocabulaire bamoun et l’introduction d’un film sous-titré). C’est la raison pour laquelle nombre d’arguments avancés dans le cadre de cette étude seront appuyés par des valeurs statistiques.

Nous commencerons par présenter dans un tableau les notes obtenues au pré-test par chacun des sujets. Une fois les données recueillies et présentées sous forme de tableaux, le travail d’analyse commence par le calcul d’un nombre qui puisse résumer à lui seul l’ensemble des données. Il s’agit de dégager la tendance centrale de l’échantillon. Cette valeur centrale donne une idée synthétique sur le niveau général des sujets. Elle nous servira aussi d’outil de comparaison entre l’avant et l’après film. Nous présenterons ensuite les notes obtenues par les sujets lors du second test de vocabulaire. Nous en calculerons également la moyenne et nous procéderons par la suite à une comparaison des deux moyennes.

Une simple comparaison des moyennes des notes obtenues par les sujets avant et après la diffusion des films reste cependant largement insuffisante pour vérifier l’hypothèse selon laquelle le sous-titrage favoriserait l’acquisition du vocabulaire bamoun. Nous avons opté pour le T-test, l’un des plus connus et des plus utilisés; et le test ANOVA. Par ailleurs, nous devrons procéder au calcul de la valeur de Pearson ou valeur p. Elle représente la probabilité ou le risque de commettre une erreur en affirmant qu’il existe une relation entre les deux variables. C’est cette valeur qui permet de confirmer ou d’infirmer l’hypothèse statistique, et partant, l’hypothèse de recherche. Pour conclure à la présence d’un lien entre les variables, la valeur p doit être inférieure à 0,05, soit inférieure à 5%.

5. Resultats obtenus et interpretation

L’objectif de notre travail de recherche, tel qu’énoncé dans le chapitre liminaire, est de montrer le rôle que pourrait jouer le sous-titrage dans la résolution du problème de revalorisation et de promotion des langues locales au Cameroun. Cette revalorisation passe par l’acquisition de celles-ci, notamment le bamoun dans le cadre précis de notre recherche. Après avoir mené l’expérience telle que décrite dans le chapitre précédent, il importe dans le présent chapitre de présenter les données recueillies et de les analyser.

5.1 Le pré-test

L’objectif du pré-test était de mesurer le niveau général de notre échantillon en langue bamoun. Il est composé d’une liste de mots du vocabulaire général extrait du corpus. Ce test de langue que nous leur avons fait passer était noté sur 20 points. Les critères de correction étaient les suivants:

  • Section 1: une réponse correcte équivaut à un demi (0,5) point.
  • Section 2: une réponse correcte équivaut à un (01) point.
    • Les résultats obtenus par les sujets de notre étude aux différents tests ainsi présentés, nous pouvons affirmer avec certitude que les performances ont connu une amélioration notable.
    • Les tests t que nous avons employés, de même que les calculs de corrélation, vont nous aider à répondre à cette question. Dans cette recherche, nous avons comparé les notes obtenues par un groupe de sujets avant et après le visionnage d’un film en bamoun sous-titré en français. L’analyse des données présentées plus haut révèle que les notes des sujets ont connu une nette amélioration après le visionnage du corpus.
    • Les résultats du test t viennent renforcer cette assertion (t = - 4,705 [dl = 16, p = 0,00]). Les résultats sont statistiquement significatifs car la valeur de p ici est bien moins inférieure à 0,05; elle est même nulle (0,000). Cette valeur vient démontrer que la différence observée entre les notes du pré-test et du post-test ne relève pas d’un fait du hasard. Elle est effectivement liée au visionnage du film.
    • Le calcul de la valeur p au moyen d’un test ANOVA (one-way Analysis of Variance) ou F-test entre les notes des pré- et post-tests et la différence pré-test – post-test vient corroborer nos propos (F = 11,094 [dl = 50, p = 0,000]).

Nous avons attribué des notes à chacun des sujets selon ses performances avant de procéder au calcul de la moyenne.

5.2 Le post-test

Le but de cet exercice était d’évaluer le niveau des sujets après le visionnage du film. Il était question pour nous de vérifier l’hypothèse selon laquelle le visionnage du film est lié à une amélioration des performances de nos sujets.

Nous notons une augmentation de la moyenne générale du groupe, qui dénote une amélioration des notes obtenues par les sujets lors du post-test. La moyenne est passée de 05,26/20 lors du pré-test à 09,32/20 lors du post-test. Quinze (15) sujets sur dix-sept (17) ont connu une amélioration de leurs performances lors du second test, après avoir visionné le film. Le tableau suivant présente les notes obtenues par les sujets lors du pré-test et du post-test, ainsi que la différence entre les deux notes pour chacun des sujets. Cette différence reflète la marge d’amélioration (Tableau 1 ci-dessous):

Sujet N°

Pré-test

Post-test

Différence

1.

08

14

6

2.

04

02,5

-1,5

3.

05

02,5

-2,5

4.

04,5

12

7,5

5.

03

12,5

9,5

6.

04,5

08

3,5

7.

04

13

9

8.

04,5

13,5

9

9.

04

08,5

4,5

10.

03,5

04

0,5

11.

08,5

11,5

2,5

12.

13

14

1

13.

05

10,5

5,5

14.

02

05

3

15.

04,5

06

1,5

16.

05

10

5

17.

06.5

11

4,5

Moyenne

 

05,26

 

09,32

 

4,03

 

 

Tableau 1: Différence entre les notes des post- et pré-tests

Au vu de ces preuves statistiques, nous pouvons affirmer avec un degré de confiance de 95 % que le visionnage du film sous-titré a permis aux sujets de notre étude d’améliorer leurs performances lors du post-test, nous permettant ainsi de confirmer l’hypothèse centrale de notre travail de recherche: le sous-titrage permet l’acquisition de compétences en vocabulaire dans une langue étrangère. Par ce processus d’acquisition d’une langue nationale, nous avons démontré que le sous-titrage constitue une autre voie de recours dans la résolution du problème de revalorisation et de promotion des langues identitaires au Cameroun.

En outre, nous avons pu faire des observations qu’il est pertinent de relever. Les sujets de notre étude étaient tous, rappelons-le, des non locuteurs natifs du bamoun. Notre échantillon était constitué d’individus venus d’horizons divers et s’exprimant avec plus ou moins d’aisance dans différentes langues camerounaises. Ainsi, nous avons travaillé avec treize ressortissants de la région du Centre, dont deux locuteurs du basaa, sept de l’ewondo, trois du banen, un du gounou. Nous avons également travaillé avec cinq ressortissants de la région de l’Ouest, notamment un locuteur du yemba, trois du ghomala, et un du fe’fe’. Figurait, par ailleurs, dans notre échantillon un locuteur du lamnso (Nord-ouest). Les notes obtenues par chacun des sujets au pré-test sont fonction de leur province d’origine, de la langue locale qu’ils parlent et du niveau de maîtrise de celle-ci. En effet, les ressortissants de la région des grassfields ont obtenu des notes supérieures à la moyenne (05,26). Il s’agit des sujets N° 1, 11, 12 et 17 qui ont obtenu respectivement 08, 08,5, 13, 06,5. Ces sujets ont affirmé avoir une bonne maîtrise de la langue parlée dans la région d’origine. Le sujet N° 2, l’une des ressortissantes de la région des grassfields a obtenu 02,5. Cette note, inférieure à la moyenne peut se justifier par le fait qu’elle possède une faible maîtrise de la langue autochtone de sa province d’origine. Par ailleurs, tous les autres participants à cette expérience, originaires des autres régions du pays ont obtenu des notes inférieures à la moyenne lors du pré-test. Il importe tout de même de noter que les paramètres région d’origine et langue locale parlée des sujets n’ont eu aucune influence sur leurs performances dans la section 2 du test de vocabulaire. Ils ne possédaient aucune aptitude communicationnelle au début de l’expérience. Autrement dit, aucun d’entre eux ne pouvait dire bonjour, merci ou encore non en langue bamoun.

Lors du post-test, les performances de tous les sujets ont connu des améliorations, même si celles des sujets non originaires de la zone des grassfields sont beaucoup plus notables. Cependant, l’exercice où les sujets se sont le plus illustrés lors de ce post-test reste la section «aptitudes communicationnelles». Ils ont appris du film comment dire bonjour, salut, non, oui, merci, bienvenue, en bamoun. Au terme de l’expérience, tous les sujets savaient au moins comment se dit bonjour en bamoun, ce qui n’était pas le cas au début. Cette observation dénote qu’il y a eu acquisition de compétence linguistique en bamoun et notre hypothèse est une fois de plus vérifiée.

Au vu des différentes mesures mises en œuvre dans le cadre de la promotion et de la revalorisation des langues locales au Cameroun, nous avons émis l’hypothèse selon laquelle le sous-titrage pourrait aider dans cette lutte à travers son caractère didactique. Le problème des langues autochtones au Cameroun est celui de la transmission intergénérationnelle (Bitja’a Kody, 2001) et leur faible valeur sociale (Tanda & Tabah, 2005), nous avons pensé que le sous-titrage, reconnu pour sa valeur didactique (Ivarsson & Carroll, 1998), constituerait un moyen efficace de permettre la transmission intergénérationnelle des langues camerounaises. Par ailleurs, si l’on admet que la TAV en général et le sous-titrage en particulier sont des domaines qui englobent à la fois l’industrie du film et la traduction, il n’est pas impossible que le sous-titrage des films en langues camerounaises permette également un regain d’intérêt dans ces langues jugées inutiles parce qu’elles revêtiraient désormais un caractère lucratif pour leurs locuteurs.

L’analyse des données nous a révélé que les différences observées dans les notes obtenues par les sujets ayant pris part à notre expérience, ainsi que les moyennes générales des pré- et post-tests ne sont pas un fait du hasard. Tout au contraire, elles sont liées au visionnage du film sous-titré. L’hypothèse de recherche qui sous-tend ce travail a donc été confirmée. La raison d’être de ce phénomène est simple. La langue étrangère (dans notre cas le bamoun) est écoutée tandis que la traduction est lue dans les sous-titres. Les sujets ont donc pu capter quelques mots de la L2. Les sujets, lorsqu’ils visionnent, écoutent de manière inconsciente les mots dits dans la L2; ils peuvent en lire la traduction grâce aux sous-titres; et l’apprentissage semble être facilité par les images qui aident à obtenir la signification et parfois le sens des mots de la L2 (Koolstra et al., 2002).

Les participants ont certes été capables de capter la signification des mots qu’ils entendaient dans une langue qui ne leur est pas du tout familière pour la plupart. Des recherches antérieures (Ayonghe, 2009; d’Ydewalle et Pavakanun, 1995, 1997) ont démontré l’acquisition de vocabulaire en anglais, une langue de plus large diffusion. Force est de constater que dans les mêmes conditions, le sous-titrage permet d’apprendre des langues connues et développées tout comme ces langues minoritaires à l’instar du bamoun.

6. Recommandations

Les recommandations que nous souhaitons faire concernent à la fois les pouvoirs publics, les traducteurs et les chercheurs qui y trouveront des suggestions pour des recherches complémentaires.

Nous avons eu à démontrer le rôle que joue le sous-titrage dans l’acquisition de langues étrangères. Nous sommes parvenus à la conclusion qu’il constitue effectivement un outil puissant au service des langues et par ricochet, à la promotion du multilinguisme. Toutefois, l’exploitation de ce potentiel suppose l’implication de toutes les forces vives (l’Etat, les chaînes de télévision et le public) dans le cadre d’actions communes. De concert avec les chaînes de télévision, l’Etat pourrait mettre sur pied une nouvelle politique qui instituerait l’introduction progressive du sous-titrage dans la diffusion TV au Cameroun.

Ayant démontré le rôle du sous-titrage dans l’acquisition du vocabulaire en bamoun, il pourrait être utilisé dans le cadre de la lutte pour la promotion et la revalorisation des langues locales. Celles-ci ont trop longtemps été reléguées au second plan, mal aidées par l’institution du français et de l’anglais comme langues officielles (Echu, 2004). Les pouvoirs publics gagneraient à encourager la production de produits audiovisuels, mieux, en langues camerounaises et offrir des subventions pour le sous-titrage en l’une des deux langues officielles de ces produits. De telles mesures accentueraient la visibilité des langues autochtones. Il en résulterait un éveil d’intérêt du public dans ces langues qui passeraient du statut de langues inutiles à celui de lucratives.

Les medias audiovisuels jouent de nos jours dans les ménages un rôle didactique et linguistique indirects qu’il ne faudrait surtout pas négliger. L’effectivité et l’efficacité de la mise en œuvre de telles mesures devraient également être soutenues par une formation de qualité offerte aux personnes en charge de cette pratique. Il n’existe aucune structure de formation de professionnels du sous-titrage au Cameroun. Seuls l’ASTI (Advanced School of Translators and Interpreters) et l’Institut Supérieur de Traduction et d’Interprétation (ISTI) offrent ce module d’enseignement. Mais cela demeure insuffisant. Nous suggérons que des structures appropriées et un matériel adéquat soient mis à la disposition des étudiants afin de leur assurer une formation de haute qualité à la mesure des standards internationaux.

7. Conclusion

Au terme de notre travail de recherche, nous sommes parvenus à la conclusion que le sous-titrage constitue un outil puissant, mais méconnu d’apprentissage des langues. Les pouvoirs publics et tous les acteurs du secteur linguistique, notamment tous les organismes et particuliers qui œuvrent sans relâche à la revalorisation et à la promotion des langues camerounaises, gagneraient à le prendre en considération dans leur lutte. Cette prise de conscience passe par la formation de professionnels du secteur AV, la production de produits audiovisuels en langues locales sous-titrés dans l’une des deux langues officielles du pays et la diffusion de ces produits sur les chaînes de télévision nationales. De telles mesures entraîneraient un regain d’intérêt des populations pour ces langues longtemps délaissées d’une part et favoriseraient la transmission intergénérationnelle d’autre part. Par ce travail, nous espérons, parce que le traducteur est conscient des problèmes de la société dans laquelle il vit et cherche à y apporter des solutions, avoir contribué dans une certaine mesure à la résolution d’un problème qui se révèle de plus en plus alarmant au fil du temps.

Bibliographie

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Ayonghe, L. S., Kruger, J-L, Suh, J. S., & Chia, E. N. (2009), “An assessment of the state of subtitling in Cameroon: past, present and future” in E. N. Chia, J. C. Suh, A. Ndeffo Tene (eds.), Perspectives on Translation and Interpretation in Cameroon, Langaa Research and Publishing CIG, Mankon, Bamenda.

Bitjaa Kody, Z. D. (2001), “Emergence et survie des langues nationales au Cameroun”.

Caimi, A. (2006). “Audiovisual Translation and Language Learning: The Promotion of Intralingual subtitle”, The Journal of Specialised Translation, [online] Issue 6, July 2006, pp. 85-98, disponible sur http://www.jostrans.org/issue06 toc.php [consulté le 10 avril 2014].

d’Ydewalle, G. (2002), “Foreign Language Acquisition by Watching Subtitled Programmes”.

d’Ydewalle, G. et U. Pavakanum (1997), “Could enjoying a movie lead to language acquisition?” dans P. Winterhoff-Spurk & T. Van der Voort (Eds.), New Horizons in Media Psychology, Opladen, Germany: Westdeutscher Verlag GmbH, pp. 145-155.

d’Ydewalle, G., & Pavakanun, U. 1995. “Acquisition of a second/foreign language by viewing a television program”, in P. WinterhoffSpurk Ed., Psychology of media in Europe: The state of the art perspectives for the future pp. 5164. Opladen, Germany: Westdeutscher Verlag GmbH.

Danan, M. (2004). “Captioning and Subtitling: Undervalued Language Learning Strategies”, in Meta, [online] vol. 49, No. 1, pp.67-77, available at www.erudit.org/revue/meta/2004/v49/n1/009021ar.html, [consulté le 06 juin 2014].

De Linde, Z. and N. Kay (1999). The Semiotics of Subtitling, Manchester: St Jerome Publishing.

Diaz Cintas et M. Fernandez Cruz (2008). “Using Subtitled Video Materials for Foreign Language Instruction” dans Jorge Diaz Cintas (ed.) The Didactics of Audiovisual Translation, Amsterdam et Philadelphia: John Benjamins, pp.201-14.

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Diaz Cintas, J., Orero, P., Remael, A.(2006), Introduction: the landscapes of Audiovisual Translation, The Journal of Specialised Translation, 2006, Vol. 6, Pages: 2 - 9, ISSN: 1740-357X

Echu G. (2004), The Language Question in Cameroon, Yaoundé.

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Grimes, B. (ed.). 2000. Ethnologue: Languages of the world, Vol. 1, SIL, Texas.

Ivarsson, J. and Mary C. (1998), Subtitling. Simrishamn. TransEdit.

Koolstra et al. (2002), “The Pros and Cons of Dubbing and Subtitling”, European Journal of Communication, SAGE Publications (London, Thousand Oaks, CA and New Delhi), Vol. 17, pp. 325-354.

Lewis, M. P. (ed.), 2009. Ethnologue: Languages of the World, Sixteenth edition. Dallas, Tex.: SIL International. Online versionhttp://www.ethnologue.com/.

Mâh Saah-Sah («Ma Sâsâ»),(2008) Réalisateur: Daniel Kamwa, Traduction: Samuel Njoya.

Seleskovitch, D. et Lederer M. (2001). Interpréter pour traduire, 4ème éd., Col. Traductologie, Paris : Didier Érudition.

Tanda et Tabah (2005), The Impact of Globalisation on African languages and Orature, dans Globalisation and the African Experience: Implications for Language, Literature, and Education.

Van de Poel M. et d’Ydewalle, G. (1999), “Incidental Foreign -Language Acquisition by Children watching subtitled Television Programs”, Journal of Psycholinguistic Research 28, pp 227-44.

 

ANNEXE 1: Pré-test

Monsieur/Madame,

Le présent test de langue est conçu pour servir d’instrument de collecte de données destinées au mémoire intitulé « Le rôle du sous-titrage dans la revalorisation des langues nationales au Cameroun ». Vous êtes prié(e)s de donner des questions exactes aux questions ci-après, afin de permettre l’obtention de résultats fiables. Vos informations personnelles ne seront en aucun cas divulguées.

I. Données personnelles

Nom et prénoms

Sexe :          Check Box M                                   Check Box F

Age :        Check Box moins de 20 ans                Check Box 20-25 ans                        Check Box 26-31 ans

Niveau d’éducation : ____________________________________________________

Province d’origine : _____________________________________________________

Veuillez préciser votre 1e langue  ________________, 2e langue  _______________

Niveau de maîtrise de la langue parlée dans la province d’origine :            Faible    

          Check Box  Moyen                        Check Box Bon                           Check Box  Excellent

Test de connaissance du vocabulaire

Section 1 : Vocabulaire général

Choisir la bonne réponse

1. Fille :               a. mengbiέ                   b. membaa                  c. wawa

2. Garçon :          a. menví                       b. met                          c. membaa

3. Neveu :            a. nkɛ                           b. mendjara                 c.

4. Papa :             a. wawa                       b. titâh                         c. pón

5. Maman :          a. nâh                         b. mengbiέ                   c. mbém

6. Enfant :           a. món                         b. mendjara                 c. membaa

7. Dieu :             a. pokeri                      b. gnígní                      c. wúmshe

8. Age :               a. frenshi                      b. lem                          c. didela

9. Maison :          a. ndáp                        b. pe                           c. nansaˀ

10. Nom :             a. lem                           b. massa                      c.

11. Argent :           a. mbem                       b. shekɛt                       c. moni

12. Travail :           a. mbɛ                          b. wu                           c. fàˀ

13. Sel :                 a. mbiú                        b. ayʲe                          c. nkέ

14. Fiancé :            a. massa                      b. yenkaa                     c. mét

15. Hôpital :          a. wasibita                   b. sukul                        c. fu

16. Feu :                a. pè                             b. mú                           c. menví 

17. Manger :          a. yinje                         b. wúmshe                   c. america

18. Boire :             a. yinwe                       b. yuu                         c.

19. Voir :              a. aake                        b. yinjen                     c. didela

20. Gendarmerie : a. shekɛt                      b. mbáˀle                     c. lémè

21. Eglise :           a. sibita                        b. gnindáp                   c. kʲebe

 

Section 2 : Aptitudes communicationnelles

Traduire en bamoun les expressions suivantes :

Bonjour monsieur 

Bienvenue

Salut

Au revoir

Merci

Oui/Non

C’est toi

C’est moi

C’est quoi ?

C’est qui ?


ANNEXE 2: Post-test

Monsieur/Madame,

Le présent test de langue est conçu pour servir d’instrument de collecte de données destinées au mémoire intitulé « Le rôle du sous-titrage dans la revalorisation des langues nationales au Cameroun ». Vous êtes prié(e)s de donner des questions exactes aux questions ci-après, afin de permettre l’obtention de résultats fiables. Vos informations personnelles ne seront en aucun cas divulguées.

II. Données personnelles

Nom et prénoms

Sexe :         Check Box M                                   Check Box F

Age :        Check Box moins de 20 ans                Check Box 20-25 ans                            Check Box 26-31 ans

Niveau d’éducation : ____________________________________________________

Province d’origine : _____________________________________________________

Veuillez préciser votre 1e langue  ________________, 2e langue  _______________

Niveau de maîtrise de la langue parlée dans la province d’origine :            Faible    

           Check Box Moyen                        Check Box Bon                            Check Box Excellent

   Line Break

            N.B.    Cette section est à remplir après avoir visionné le film

Avez-vous fait face à des difficultés d’écoute (reconnaissance des mots en langue bamoun) ?

                 Check Box Oui                                       Check Box Non

Avez-vous reconnu des mots similaires à leurs équivalents dans votre langue ?

                 Check Box Oui                                       Check Box Non

Les citer si possible : ________________________________________________________________________________________________________________________________

 

Test de connaissance du vocabulaire

Section 1: Vocabulaire général

Exercice 1 : Choisir  la bonne réponse

22. Fille :              a. mengbiέ                 b. membaa                  c. wawa

23. Garçon :         a. menví                     b. met                         c. membaa

24. Neveu :          a. nkɛ                         b. mendjara                 c. 

25. Papa :            a. wawa                      b. titâh                        c. pón

26. Maman :         a. nâh                         b. mengbiέ                  c. mbém

27. Enfant :          a. món                        b. mendjara                c. membaa

28. Dieu :             a. pokeri                     b. gnígní                      c. wúmshe

29. Age :              a. frenshi                    b. lem                         c. didela

30. Eglise :           a. ndáp                       b. gnindap                   c. nansaˀ

31. Nom :             a. lem                         b. massa                     c. 

Exercice 2:  Traduire en français

  1. mbem
  2. fàˀ
  3. nkέ
  4.  yenkaa
  5. Wasibita
  6. mú      
  7. yinje
  8. yinwe
  9. Yinjen
  10. mbáˀle

Section 2 : Aptitudes communicationnelles

Traduire en bamoun les expressions suivantes :

Bonjour monsieur 

Bienvenue

Salut

Au revoir

Merci

Oui/Non

C’est toi

C’est moi

C’est quoi ?

C’est qui ?


ANNEXE 3: RÉCAPITULATIF DES TESTS STATISTIQUES

 

Paired Samples Test

 

 

Paired Differences

t

df

Sig.

 (2-tailed)

 

Mean

Std.

Deviation

Std

Error  Mean

95% Confidence Interval of the Difference

     
       

Lower

Upper

     

Pair 1

Pre-test - Post test

 

-4.05882

3.55705

.86271

-5.88769

-2.22996

-4.705

16

.000

                   

ANOVA

Pre-Post Test

 

Sum of

Squares

df

Mean Square

F

Sig.

Between Groups

140.029

1

140.029

12.429

.001

Within Groups

360.529

32

11.267

   

Total

500.559

33

     


ANNEXE 4: LISTE DES SUJETS

No

Noms et Prénoms

1.

BEO BAGOP Odette

2.

TCHE YEMELI Monique

3.

NGO BAKITI Simone Linda

4.

NGO NOM Zita Sorelle

5.

NTSAMA ATEBA Romaine Solange

6.

OKALA OYIE Diane Christelle

7.

MBELE Ariane Danielle

8.

BETE OYIE Inès Tatiana

9.

NKOU Appolinaire Lumière

10.

HAPPY WEMBE Frank Duvane

11.

LIKEUFACK Alex Didier

12.

WAKEP Adeline

13.

BODIONG ASSIENE Jean-Louis

14.

ONGBOLALEBA Carine Olivia

15.

ONGMAKAGNE Audrey Christelle

16.

IBIN Laure Manuela

17.

WETTE Fabrice

 

 

About Ayonghe Lum Suzanne

Ayonghe Lum Suzanne

Dr Ayonghe Lum Suzanne, Advanced School of Translators and Interpreters (ASTI), University of Buea, South West Region, Email: s_ayonghe@yahoo.com, ayonghelumsuzanne@gmail.com P.O. Box 109 Buea, South West Region, Cameroon. Tel: +237 77744862

Dr Ayonghe Lum Suzanne is a lecturer in the Advanced School of Translators and Interpreters (ASTI), University of Buea, and Head of Division I (Translation). She holds a BSc degree in Economics, an MA in Translation and a PhD in Language Practice. She currently teaches Audiovisual Translation and Computer Assisted Translation at the University of Buea. Her research interests include Audiovisual Translation, Computer Assisted Translation, Subtitling and its various uses for the promotion of bilingualism, multilingualism and the teaching/learning of national/indigenous languages.

 

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